Bibliothèque corporelle

Le Performance Lab

Entre 2018 et 2021, le projet interdisciplinaire IDEX Performance Lab a développé une dynamique scientifique multidisciplinaire incluant les arts du spectacle, les sciences sociales et l'informatique à l'UGA. Collectivement, cette communauté a mis au point des méthodes de travail sur le terrain, de collecte de données et de documentation, créant ainsi de nouvelles formes de culture de la performance et de plateformes numériques.

La « Bibliothèque corporelle » est issue de l’axe de recherche du Performance Lab « Gestures & frequencies » initié par Lionel Reveret (INRIA) et Gretchen Schiller (UGA).

L’archive réalisée a eu pour enjeu la diversification des perspectives à partir desquelles le corps est représenté et la danse est archivée. Des tests de capture du mouvement dans l'environnement de travail du danseur ont constitué la base de cette archive multicouche qui a été augmentée par la dramaturgie interne de l’interprète, la notation Benesh ainsi que le dessin. L’équipe a concentré ses efforts pour mettre en valeur la mémoire corporelle par la parole de la danseuse.

La genèse du projet

Depuis ses débuts, le projet « Bibliothèque corporelle » s’est construit à partir de deux constats : dans le monde de la danse, la parole de l’interprète est rarement prise en compte et les archives de la danse se limitent souvent à des captations vidéo, excluant une fois de plus le vécu du danseur. Le projet a ainsi été immédiatement pensé dans sa dimension multimodale et a, pour cela, réuni des participants de domaines variés : chercheurs en arts du spectacle, musique, biomécanique, arts plastiques et informatique.

Les deux premiers angles d’approche de cette archive de la danseuse ont été la sonification du geste avec Andrea Giomi (UGA) et la modélisation en 3D avec Lionel Reveret. L’enjeu n’étant pas seulement de traduire la complexité des mouvements, mais d’engager une réflexion sur le corps-mémoire de la danseuse Stéphanie Pons, la modélisation en 3D est une piste qui a été poursuivie par l’équipe. En effet, la capture du mouvement par l’équipe de l’INRIA offrait une modalité intéressante pour l’archive multicouche : la démultiplication des points de vue de la danse. L’équipe a tenté de se rapprocher des conditions de la reprise du ballet Paysage après la bataille en invitant du public à ces captations, en reconstituant l’éclairage du spectacle et en utilisant la piste musicale d’origine.

Les sessions de capture du mouvement en studio se sont accompagnées d’un travail de contextualisation mêlant capture du mouvement et histoire orale de l’interprète. Pour cela, la voix de Stéphanie Pons a été très sollicitée et a permis d’extraire trois différentes temporalités du processus d’archivage : le temps passé de la danse du Ballet Preljocaj, le temps présent de la captation, et le temps postérieur des retours sur l’expérience.

Nous avons fait le choix de multiplier les enregistrements vocaux de Stéphanie Pons en capturant son témoignage pendant la danse, après la danse et en visionnant sa danse. Cette diversité et richesse dans les propos recueillis a permis de transférer le mouvement vers une autre matérialité : celle de l’archive. L’enjeu a ensuite été de composer et agencer l’archive avec l’ensemble de ces strates vocales, audiovisuelles, textuelles, et dessinées par Lisa Moore, afin d’opérer une traduction des mouvements aux mots, des images aux gestes.

Le défi résidait dans la synchronisation des différentes modalités et dans le respect de la dramaturgie interne de l’interprète. La voix est devenue une ligne de conduite à laquelle d’autres matériaux sont venus se juxtaposer et dont l’ensemble a permis de faire apparaître une réalité passée, celle du corps-mémoire, et ses traces actuelles chez la danseuse.

Dans la démarche d’élaboration d’une archive multimodale de la danse, il est apparu nécessaire pour l’équipe du Performance Lab de convoquer le travail de Dany Lévêque et de l’intégrer à l’archive. Grâce à sa connaissance extrêmement fine du travail d’Angelin Preljocaj, Dany Lévêque a été d’un précieux soutien pour l’équipe dans le partage, puis le découpage temporel de la partition du fragment chorégraphique dansé par Stéphanie Pons. Sa participation au projet a permis de faciliter la synchronisation de la partition avec les captations de la danse, dont les temporalités divergent et d’offrir un regard d’expert sur le réinvestissement de cette danse créée il y a plus de 20 ans. À noter que dans le système de notation Benesh, les parties dansées répétées ne sont pas réécrites sur la partition. Dans la captation, la vitesse de défilement de la notation est synchrone avec les mouvements de la danseuse. Le processus de restitution de la danseuse, à partir de sa mémoire et sans répétiteur, présente de minimes différences entre la partition et son interprétation.

La conception et l’élaboration de l’archive multimodale « Bibliothèque corporelle » se sont étalées sur une durée de deux ans et ont sollicité la participation de nombreux acteurs. Cet outil a vocation à inspirer le monde de la recherche en arts du spectacle et de proposer d’autres façons de construire les archives. Par ailleurs, l’accès rare à l’histoire orale de l’interprète, à son corps-mémoire et à sa dramaturgie interne offre une plongée inédite dans le mouvement dont l’expression devient beaucoup plus concrète. Au regard de l’immense richesse des matériaux collectés durant ce projet, et de leur grand nombre, il est à noter que cette archive de la danse de Stéphanie Pons pourrait connaître d’autres versions, d’autres combinaisons de strates et d’autres perceptions de ce fragment chorégraphique.

En 2025 une partie de l'outil à été transposé sur le web .

 

1998
2018
2019 – 2020
2022
  • 1997 – Création du spectacle Paysage après la bataille

  • 1998 – Stéphanie Pons intègre la compagnie d’Angelin Preljocaj

    Le spectacle est joué 250 fois.

    Photo de Guy Delahaye, 1997

  • 2018 – Lancement du projet Performance Lab

  • 2019 – 2020 – Période de recherche et expérimentation

    En raison de la pandémie de COVID-19, travail à distance avec Dany Levêque

  • 2022 – Représentation publique de 3 minutes 50 secondes du projet

  • 2022 – Production d'une archive du projet

  • 2025 – Traduction et production de l’archive pour le web

L'équipe de recherche

Lucie Bonnet

Circassienne et doctorante en arts de la scène (UGA) sous la direction de Gretchen Schiller et Marion Guyez 

Simone Christ Camargo

Danseuse et étudiante en stage Master 2 Création artistique parcours Arts de la scène (UGA)

Antonin Duhoux

Étudiant en Master 2 Création artistique parcours Production documentaire (UGA)

Andrea Giomi

Artiste sonore, performeur et post-doctorant « Gestes et fréquences » en sonification du mouvement (UGA)

Thibault Goyallon

Post-doctorant « Gestes et fréquences » en ingénierie logicielle (INRIA)

Gabriela Klein Schiller

Étudiante (UBC)

Marion Lefrançois

Ingénieure du son du CDP Performance Lab (UGA)

Dany Lévêque

Choréologue et assistante d'Angelin Preljocaj

Dany Lévêque est choréologue pour le Ballet Preljocaj dont presque toutes les chorégraphies ont été annotées. Depuis 1992, elle transcrit les chorégraphies à partir de la notation Benesh qui permet de conserver les chorégraphies et d’anticiper leur reprise.

Ramon Lima

Étudiant en stage Master 2 Création artistique parcours Arts de la scène (UGA)

Éloïse Mahieux

Étudiante en M2 Création artistique parcours Production documentaire (UGA)

Virginie Meunier

Coordinatrice technique du CDP Performance Lab (UGA)

Lisa Moore

Dessinatrice et professeure en littérature à l’Université Memorial de Terre-Neuve (Canada)

Lisa Moore est écrivaine, artiste et professeure à l’Université Memorial de Terre-Neuve où elle enseigne la littérature et anime des ateliers d’écriture. Auteure à succès, ses ouvrages Alligator (2005), Caught (2013) et son recueil Open (2002) ont été nominés pour le Prix Scotiabank Giller. Son roman Février (2009) a fait partie des finalistes du Man Booker Prize (l’une des plus prestigieuses récompenses britanniques) et a remporté le concours CBC Canada Reads en 2013. Elle a également remporté le Writer’s Trust Engel Findley Award dans la catégorie fiction et le Commonwealth Writers’ Prize dans la catégorie littérature canadienne et caribéenne. En résidence d’auteur à la Maison de la création et l’innovation dans le cadre du programme International Writing Residencies de la SFR Création, elle a écrit pendant son séjour une novella La traduction publiée par UGA éditions. Par sa curiosité au corps en mouvement, elle a également assisté aux répétitions de Stéphanie Pons et dessiné la danseuse en action.

Michel Morin

Régisseur du notre laboratoire Live Arts (UGA)

David Pagnon

Ingénieur en informatique spécialisé en biomécanique (INRIA)

Stéphanie Pons

Danseuse professionnelle

Stéphanie Pons a été danseuse professionnelle pendant 23 ans dans des compagnies internationales telles qu'Angelin Preljocaj, Blanca Li, Redha et Olivier Dubois. Danseuse pour le Ballet Preljocaj de 1998 à 2003, Stéphanie Pons a interprété les spectacles Paysage après la bataille à partir de 1998, Personnes n’épouse les méduses, Le Sacre du Printemps, Roméo et Juliette, Hélicopter, Portrait In Corpore et Annonciation.

Dans sa collaboration avec l’équipe du Performance Lab, Stéphanie Pons a fait le choix de réinvestir un fragment chorégraphique de Paysage après la bataille qui se trouve dans les dix premières minutes du spectacle. D’une durée de 3 minutes et 50 secondes, ce passage a été écrit pour trois danseuses sans interaction directe, ce qui a permis à Stéphanie Pons de s’emparer en solo de cette danse à partir de sa mémoire corporelle.

Paysage après la bataille est une création du Ballet Preljocaj d’une durée de 75 minutes chorégraphiée par Angelin Preljocaj sur une musique de Goran Vejvoda et Adrien Chalgard. La première partie de ce spectacle a été créée et présentée au théâtre des Salins – Scène nationale de Martigues le 7 décembre 1996. Il a ensuite été créé et présenté dans son intégralité en juillet 1997 au festival d'Avignon. Ce spectacle a tourné pendant environ quatre années après sa création en 1997 et est aujourd’hui repris par le Ballet Preljocaj. La pièce chorégraphique, initialement écrite pour une vingtaine de danseurs, était dansée par une équipe de douze danseurs pendant les tournées. « Elle met en scène des joutes imaginaires menées par deux personnages antinomiques du monde de l’art et représentant chacun un versant opposé de l’approche de la création : le versant instinctif, représenté par l’écrivain Joseph Conrad, et le versant intellectuel, intellectuel prôné par le peintre Marcel Duchamp. » (Source : http://www.preljocaj.org)

L’archive « Bibliothèque corporelle » s’est constituée à partir d’un fragment de ce spectacle par désir de collaborer avec Stéphanie Pons, plus que par choix de travailler sur une œuvre du Ballet Preljocaj.

Lionel Reveret

Chercheur sur l'analyse du mouvement anatomique (INRIA)

Gretchen Schiller

Chorégraphe et professeure à l’UMR Litt&Arts, directrice de la SFR Création et chercheuse principale du Performance Lab (UGA)

Soufiane Taghy

Étudiant en informatique (Grenoble-INP ENSIMAG)

Jérôme Tisné et Anna Deleforge

Studio de jeux vidéo The Seed Crew