« Bateson explique que l’affirmation “ceci est un jeu” est loin d’être un simple acte de désignation. Il en va de la mise en scène d’un paradoxe. Un louveteau qui en mord un autre pour jouer “dit”, dans sa façon de mordre, “ce n’est pas une morsure”. La morsure ludique, indique Bateson, “vaut pour” une autre action, tout en mettant en suspens le contexte dans lequel cette action trouve sa force pratique et sa fonction normales. Le mordillement ludique qui dit “ceci n’est pas une morsure” possède la valeur d’une action analogue sans sa force ou sa fonction. Le louveteau dit entre ses dents : “Ceci n’est pas une morsure ; ceci n’est pas un combat ; ceci est un jeu ; je me place par la présente sur un autre registre de l’existence, lequel néanmoins, “vaut pour” sont analogue suspendu.” »
Brian Massumi, Ce que les bêtes nous apprennent de la politique, traduit par Erik Bordeleau, Bellevaux : Dehors, 2019, p.20
« Le jeu y est une activité libre, à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussi sa nature de divertissement attirant et joyeux ; séparée, circonscrite dans les limites d'espace et de temps précises et fixées à l'avance ; incertaine, dont le déroulement ne saurait être déterminé d'avance, ni le résultat acquis préalablement; improductive, ne créant ni bien, ni richesse, ni élément nouveau d'aucune sorte… ; réglée, soumise à des conventions qui suspendent les lois ordinaires et qui instaurent momentanément une législation nouvelle qui seule compte ; fictive, accompagnée d'une conscience spécifique de réalité seconde ou de franche irréalité par rapport à la vie courante. »
Roger Caillois, Les jeux et les hommes : le masque et le vertige, Gallimard, 1958, p.42