Paysage Landscape

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Définition

Vue d’ensemble doté d’un’ cohérence interne, appréhendable du regard sur, depuis ou en un lieu donné, ou représentation picturale de ce lieu. D’abord défini à partir du champ de la vision, le terme s’est ouvert à d’autres perspectives sensibles tout en conservant un sens figuré par lequel il désigne aussi une vue d’ensemble sur un sujet, un environnement ou un champ d’activité humaine.

Pour citer : « Paysage », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177565

Perspective

Géographie
Claire Revol, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, PACTE, 38000 Grenoble, France

Philosophe de formation, mes travaux explorent les poétiques de l’habiter et les esthétiques environnementales, traversées par les enjeux contemporains d’urbanisation et d’effondrement écologique. Je m’intéresse aujourd’hui à des méthodes d’auto-ethnographies des expériences sensibles d’espaces habités en lien avec des pratiques de danse ou de performance. Avec Céline Perroud, chorégraphe à Rotations culturelles, compagnie qui explore les relations entre le geste dansé et les gestes du travail de la terre et du vivant, nous avons développé un workshop de recherche-création intitulé « gestes entre ciel et terre » à l’occasion de Paysage > Paysage.

Les études du paysage ont été façonnées d’une part par le rapport à l’horizon et à la perspective développés dans la peinture, et d’autre part comme objet transversal de l’étude géographique des rapports des sociétés à la nature. La notion de paysage s’est aujourd’hui étoffée pour prendre en compte la multitude des sens impliqués dans l’appréhension de l’environnement au-delà du visuel (des paysages sonores - soundscapes, de l’odorat - smellscape, du toucher...) et l’esthétique environnementale se saisit de la notion de paysage pour décrire les expériences incarnées de l’environnement, notamment à travers les ambiances et les atmosphères des espaces vécus.

En s’inscrivant dans cette lignée, nous avons voulu explorer comment le paysage n’est pas seulement une image mais l’expérience d’un sol qui est le point de rencontre entre la Terre et le Ciel, comme le dirait Tim Ingold. Quelle est la place du sous-sol, ou de la voûte céleste et des astres qui la parcourent au-delà de l’atmosphère, dans notre expérience paysagère, lorsque nous le traversons ? L’urbanisation généralisée a profondément transformé la manière dont les sociétés humaines habitent la terre : notre sol est le plus souvent recouvert de bitume, la pollution lumineuse nous prive de l’accès au ciel étoilé, la posture assise qui nous prive de notre verticalité de bipède est omniprésente dans le quotidien du travail sur ordinateur… Nous avons développé un travail du mouvement et des postures sur la verticalité du corps avec les apports de Céline Perroud, ce qui a formé une partition. Nous avons joué cette partition avec les participant.es du workshop à la ferme Gabert dans le Trièves, sur un plateau de danse posé en extérieur, dans un paysage grandiose face aux montagnes, au début du mois d’août. Il ne s’agissait pas de regarder ce paysage mais d’amener le corps dans la posture à même de laisser résonner ces dimensions verticales de la Terre et du Ciel dans notre expérience

Nous avons décidé d’observer les variations de notre appréhension du paysage, en répétant la même partition à des moments différents de la course du soleil dans le ciel. Ceci nous a amené à jouer la partition prévue à quatre moments différents : crépuscule, nuit, aube et zénith. La partition qui donnait lieu à des improvisations était suivie de temps d’atelier d’écritures et de partages pour faire le récit de ces expériences, en s’intéressant notamment à la place des éléments cosmiques dans notre appréhension du paysage. C’est sous le soleil brûlant du zénith que nous avons pu ressentir de la manière la plus nette les polarités propres à l’axe vertical dans le corps.

Ce travail débouche sur un questionnement de nos cosmologies contemporaines, qui prend des formes diverses ; d’une part un prolongement de ce travail sur une partition pensée dans une temporalité et dans un lieu s’est prolongé par une planetary danse, adaptée à partir de la partition de Anna Halprin, pour célébrer le jour du dépassement à l’invitation de Jennifer Buyck. D’autre part, par une enquête sur les pratiques de géobiologie – pratiques énergétiques de soin des êtres vivants et de leurs rapports à leur habitat - qui pensent l’existence humaine entre Terre et Ciel...

Pour citer : Claire Revol, « Paysage », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177565

Citation

« Le paysage, en effet, par sa nature terrestre (ou lunaire), se prête à la relativité du parcours et de la trajectoire de l’observateur, à son volume variable, peut-être aussi à la beauté inattendue des points de vue où on peut l’admirer. Il en va de même dans le performance studies depuis les années 1980. Les paysage sont aussi l’objet d’études, pas uniquement le land art, mais la manière d’aborder un texte, une œuvre plastique, une création sonore. »

Patrice Pavis, « Paysage », Dictionnaire de la performance et du théâtre contemporain, Paris : Armand Colin, 2014, p.171


« Ce que l’œil embrasse… d’un seul coup d’œil, le champ du regard. Le paysage est donc une apparence et une représentation : un arrangement d’objets visibles perçu par un sujet à travers ses propres filtres, ses propres humeurs, ses propres fins. »

Roger Brunet, Robert Ferras, Hervé Théry, « Paysage » in Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Montpellier-Paris : GIP Reclus-La Documentation française, 1992, p.373


« Le paysage est d’abord, ontologiquement si je puis dire, une étendue d’espace offerte à l’œil mais qui, dans sa matérialité, préexiste au regard susceptible de l’embrasser. […] Un paysage peut être dit naturel (au sens seulement où il ne doit rien à l’homme sinon -et c’est capital – d’être vu), aménagé, fabriqué. Dans tous les cas, la notion renvoie à un support pour la perception. C’est sa face matérielle ou sensible : dans tout paysage, il y a un site ou un pays, des « éléments constitutifs » dont on peut faire l’analyse.

Mais il renvoie, en même temps, à une réalité « subjective ». Un paysage, dans l’usage normal du mot, n’est constitué comme paysage que par le regard qui s’attache à lui. Pas de paysage sans observateur ; il faut qu’un site soit vu pour être dit paysage. Un paysage n’a aucune identité hors du mouvement d’une perception, d’une perception qui part d’un point de vue (qui ne saurait être, évidemment, celui de Dieu ou de la troisième personne). Le paysage est un lieu, mais un lieu isolé par le regard ; un site, mais un site contemplé ; un espace, mais un espace cadré ; un donné, mais un donné reconstruit par une analyse visuelle ; une découpe du monde, mais une découpe signifiante. »

Claudie Voisenant, Paysage au pluriel. Pour une approche ethnologique du paysage, Paris : Édition de la maison des sciences de l’homme, 1995, p.18

Bibliographie

Roger Brunet, Robert Ferras, Hervé Théry, « Paysage », in Les mots de la géographie. Dictionnaire critique, Montpellier-Paris : GIP Reclus-La Documentation française, 1992, pp.373-375

Marylise Cottet, « Notion en débat : paysage », Géoconfluences, 2019, [en ligne] : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/a-la-une/notion-a-la-une/paysage (05/05/21)

Yves Luginbühl, La mise en scène du monde. Construction du paysage européen, Paris : CNRS Editions, 2012.

Jacques Rancière, Le temps du paysage : Aux origines de la révolution esthétique, Paris, La Fabrique, 2020