Situationnalité Situatedness

— Légende

Définitions

Brève définition des termes pour donner le cadre de leur portée théorique et disciplinaire.

Citations

Citations d’auteurs proposant des éléments de définition faisant consensus et provenant de sources bibliographiques.

Perspectives

Textes rédigés par des chercheurs/artistes à partir de l’expérience de leur terrain d’étude.

Bibliographie

Sources bibliographiques prolongeant les citations.

Définition

Manière dont la dimension matérielle et symbolique d’un contexte spatial, social ou culturel, peut influencer l’agent qui y est situé. Dans un contexte académique, on dit d’un savoir qu’il est situé lorsque son développement est étroitement associé à un contexte (un terrain ou un environnement scientifique, par exemple).

Pour citer : « Situationnalité », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177897

Catégorie :

⇆ Termes associés :

Date de création : 2021-06-14.

Dernière modification : 2022-06-29.

Licence Creative Commons
Les textes sauf les citations sont mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification.
Imprimer ce terme

Perspective

Citation

Bibliographie

« Situatedness refers to involvement within a context. There are two types of situatedness. The first type refers to the involvement of the researcher within a research site. Qualitative researchers should be aware of the situated nature of the contexts in which they collect data. The word situated refers, therefore, to the researcher’s physically being on site and consequently to research shaped by personal relationships and by linguistic, biographical, historical, political, economic, cultural, ideological, material, and spatial dimensions. A researcher who is keenly aware of the situated nature of researchers can be said to be reflexive. The second instance of situatedness refers to exactly the same phenomenon, but to a different subject: not only are researchers situated in the contexts they study, but so are the social agents whose lives are being investigated. Thus, situatedness means involvement of social beings with symbolic and material dimensions of sites and with the various social processes occurring in those domains. In sum, situatedness refers to the quality of contingency of all social interaction. As such, it stands in sharp opposition to the universal, determinist, atomistic, and absolute pretensions of classical positivism. »

Phillip Vanini, “Situatedness”, in The SAGE Encyclopedia of Qualitative Research Methods, Volums 2, Lisa M.Given dir., Thousand Oaks : SAGE, 2008, p.815

Géographie
Myriam Houssay-Holzschuch, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, PACTE, 38000 Grenoble, France

La situatedness qui m’intéresse est celle des savoirs. Comme géographe, je sais à quel point être situé quelque part importe. Surtout, c’est une question épistémologique : en quoi les savoirs produits sont-ils configurés par leurs conditions de production – dont les lieux de cette production — et d’expression ?

Comme chercheuse, je suis productrice de savoir. Qui je suis influence le savoir que je produis. Cette évidence empirique rencontrée lors de mon travail de terrain va plus loin que mes recherches : ce sont les épistémologies féministes, dont les travaux de Donna Haraway, qui m’ont permis de comprendre à quel point la positionnalité de la chercheuse joue. Au-delà de sa personne, le savoir est produit en relation avec d’autres et au sein de cadres sociaux spécifiques – des institutions, des rapports de pouvoir, des finalités — qui vont également lui donner une forme.

La situatedness des savoirs produits intègre donc qui produit ces savoirs, mais aussi quand : ils apparaissent, se développent, sont acceptés ou réfutés lors de moments particuliers dans l’histoire. L’histoire des sciences le montre bien, mettant à jour les liens entre chercheur·es, comme avec les contextes économiques ou politiques. J’étudie la géographie de l’Afrique du Sud depuis la fin de l’apartheid, que j’ai découvert précisément lors des premières élections démocratiques de 1994 : son quand est alors celui de la révolution négociée, de la transition démocratique. Mes questionnements portent évidemment la marque et du moment où j’ai personnellement découvert l’Afrique du Sud comme terrain, et de sa situation historique : qu’est-ce qui a changé ou non depuis la fin de l’apartheid, comment appréhende-t-on les traces de cet « avant », comment comprendre une situation « post » (-apartheid, -coloniale, -conflit ou, ailleurs, -socialiste...) ?

Le cas sud-africain m’a aussi permis de comprendre que la situatedness des savoirs vient également des lieux d’où on les produit : analyser la ségrégation à partir de la France, des USA ou de l’Afrique du Sud ne conduit pas aux mêmes conclusions –l’espace géographique de validité de nos conclusions doit être évalué avec prudence. Plus encore : la Southern Theory montre qu’on a trop longtemps élaboré des savoirs scientifiques théoriques à partir de cas et de références presque uniquement occidentales. Produire des savoirs à partir d’autres points de vue et d’ancrage, prendre au sérieux l’ensemble du monde dans nos manières de comprendre (ce que l’on nomme worlding epistemologies en anglais) permet de renouveler fondamentalement nos théories.

Enfin, navigant entre géographies anglophones et francophones, j’ai réalisé qu’un savoir s’ancre et prend forme en fonction de la langue dans laquelle on l’exprime, pour le formuler et le transmettre : concepts et références théoriques, normes de l’écriture scientifique, connivence culturelle du lectorat, changent avec les langues.

Qui, quand, où, en quelle langue et pour quoi faire – dans quels buts ce savoir est-il produit ? – : autant de facteurs qui situent et configurent ce savoir et qu’il faut reconnaître.

Pour prolonger :

Myriam Houssay-Holzschuch, 2021, Keeping you post-ed: Space-time regimes, metaphors, and post-apartheid, Dialogues in Human Geography, DOI: 10.1177/2043820621992256

Myriam Houssay-Holzschuch, 2020, Making the provincial relevant? Embracing the provincialization of continental European geographies , Geographica Helvetica, 75 No. 2, pp. 41-51. https://www.geogr-helv.net/75/41/2020/

Pour citer : Myriam Houssay-Holzschuch, « Situationnalité », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177897

Thomas Hünefeldt, Annika Schlitte dirs., Situatedness and Place. Multidisciplinary Perspectives on the Spatio-temporal Contigency of Human Life, Heidelberg : Springer, 2018

Donna Haraway, « Situated Knowledges: The Science Question in Feminism and the Privilege of Partial Perspective », Feminist Studies, 14, 3, 1988, pp.575-99, [en ligne] : https://www.jstor.org/stable/3178066?seq=1 (06/05/21)

Raewyn Connell, Southern Theory. The Global Dynamics of Knowledge in Social Science Cambridge : Polity, 2007