Positionnalité Positionality

— Légende

Définitions

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Citations

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Perspectives

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Bibliographie

Sources bibliographiques prolongeant les citations.

Définition

On parle de positionnalité du chercheur pour définir une approche théorique et réflexive de la subjectivité dans le champ des Sciences Humaines et Sociales. Cette notion au caractère évolutif au sein de la communauté scientifique, désigne au départ une démarche introspective et autocritique du chercheur qui se positionne et se conscientise vis à vis des relations de pouvoir dans lesquelles s’inscrit son travail, en particulier pour informer la relation qu’il entretient avec leur recherche.

Pour citer : « Positionnalité », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177871

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Date de création : 2021-06-14.

Dernière modification : 2022-06-29.

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Perspective

Citation

Bibliographie

« Positionality refers to the stance or positioning of the researcher in relation to the social and political context of the study—the community, the organization or the participant group. The position adopted by a researcher affects every phase of the research process, from the way the question or problem is initially constructed, designed and conducted to how others are invited to participate, the ways in which knowledge is constructed and acted on and, finally, the ways in which outcomes are disseminated and published. »

David Coghlan, Mary Brydon-Miller, The SAGE Encyclopedia of Action Research, Londres : Sage, 2014, p.627

Géographie
Myriam Houssay-Holzschuch, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Sciences Po Grenoble, PACTE, 38000 Grenoble, France

Ma compréhension de la positionnalité vient de ma pratique d’enquêtes de terrain ethnographiques dans les quartiers noirs du Cap en Afrique du Sud, dans le cadre d’un questionnement de recherche en géographie urbaine, sociale, politique et culturelle. C’est un concept qui a répondu au travail réflexif et épistémologique rendu nécessaire par les écueils rencontrés au cours de ma démarche empirique de collecte de données, mais un concept que je n’ai rencontré que tard dans ma carrière de chercheuse, peu de temps avant le moment réflexif constitué par la rédaction de mon habilitation à diriger des recherches.

Lorsque je me rends en Afrique du Sud pour la première fois, en 1994, au moment des premières élections démocratiques ayant porté Nelson Mandela à la présidence, que je commence le terrain pour ma thèse en 1996, je prends (enfin !) conscience qu’être blanche n’est pas anodin : j’ai choisi de travailler sur les quartiers noirs des villes, ceux où le régime raciste d’apartheid a exclu, cantonné et exploité la population noire majoritaire, ceux à la pointe de la lutte. Dans ces quartiers, la violence politique produite par l’apartheid, structurelle comme paroxystique, est toujours présente. Ma présence ne peut y être anodine : les autres visages blancs sont ceux de prêtres, de religieuses, de policiers et de militaires. Pourquoi les habitant·es me feraient-iels confiance, et me fourniraient-iels des informations sur leurs manières de vivre, leurs occupations, leurs réseaux ? Ma nationalité, non sud-africaine – je ne fais donc pas partie des blanc·hes ayant directement tiré profit du régime – et française – un pays s’étant positionné contre l’apartheid mais où la collusion des services secrets avec ceux de l’apartheid a conduit à l’assassinat en France de Dulcie September, représentante de l’ANC ; un pays qui est une autre métropole coloniale – peut-elle aider ? La violence politique n’est pas la seule : violence criminelle, violence sexiste et sexuelle battent des records mondiaux là où j’enquête, seule au début. Il y a des lieux, des moments, où je ne peux être présente, le risque est trop grand.

Qui je suis – physiquement – configure donc les données que je peux recueillir, leur fiabilité, leurs silences. Qui je suis influence la manière dont je les interprète – les cadres théoriques de la géographie française ne sont pas ceux des géographies anglophones, ils ont été construits au cours d’une histoire disciplinaire nationale, en lien avec la construction de l’État et de la nation, en collusion avec le projet colonial, en référence à des discussions conceptuelles provinciales et non globales. Qui je suis enfin limite l’impact de mes recherches : en quelle langue les publier ? Comment rendre compte aux personnes que j’ai enquêtées lorsque, précaire, je ne sais d’où viendra l’argent pour le prochain billet d’avion, ou lorsque, mère de jeunes enfants et jeune enseignante-chercheuse permanente, je ne peux trouver les quelques semaines par an que le terrain nécessite ?

Savoir que qui je suis produit en partie ma recherche, c’est cela la positionnalité. Le formuler, l’expliciter, tenter de l’évaluer, c’est justement ne pas « faire comme si » cela ne comptait pas, mais l’objectiver.

Pour prolonger :

Myriam Houssay-Holzschuch, 2020, Making the provincial relevant? Embracing the provincialization of continental European geographies , Geographica Helvetica, 75 No. 2, pp. 41-51. https://www.geogr-helv.net/75/41/2020/

Myriam Houssay-Holzschuch, 2010, Crossing boundaries: vivre ensemble dans l'Afrique du Sud post-apartheid, Habilitation à diriger des recherches en géographie, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Paris. https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-00542013v2

Pour citer : Myriam Houssay-Holzschuch, « Positionnalité », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177871

Cassiopé Benjamin, Catherine Carmen Cosaque, Dominic Lapointe, « La positionnalité et la recherche critique. Diversité de construction d’un même objet et émergence de la critique », in Perspectives critiques et analyse territoriale. Application urbaines et régionales, Hélène Bélanger, Dominic Lapointe dirs., Québec : Presses de l’Université du Québec, 2019, pp.165-184

Kath Browne, Leela Bakshi et Arthur Law, « Positionalities: It's Not about Them, It's about Us », in The SAGE Handbook of Social Geographies, Susan Jane Smith et aI. dirs., Londres : SAGE, London, 2009, p.586