Participation Participation

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Définitions

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Perspectives

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Bibliographie

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Définition

Notion employée depuis le XIXe siècle en économie et en politique, la participation est notamment mobilisée dans les champs de l’action publique où elle désigne l’association de membres de la société civile ou de gens « ordinaires » à des processus de décision politique, de manière à mieux prendre en compte leurs préoccupations et leurs intérêts dans les mesures qui les concernent.

Dans le champ des arts de la scène, la participation désigne l’implication de personnes extérieures au monde de l’art dans les activités des structures. Sur le plan artistique, cela se traduit notamment par l’introduction de non-professionnel.le.s  de la scène dans la fabrique et/ou la présentation des œuvres scéniques.

Pour citer : « Participation », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177857

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Date de création : 2021-06-14.

Dernière modification : 2022-06-29.

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Perspective

Citations

Bibliographie

« Participation is the activity of the spectator who, by taking part in the development of the stage or social event, leaves behind his or her supposedly passive status as a spectator. With the political theatre or the happening of the 1960s, participation was akin to a political intervention. […] Since the 1960s, art has become ever more participatory in its production and its reception, which both require the active intervention of the participants, even a ‘co-creation’. It is a thinly veiled threat: ‘participate, or else...’ Traditional categories of identification, admiration or communion are rejected in favour of a direct action on the part of the participants, as if this were a festival, a ceremony or ritual. In a festival, as previously noted by Jean-Jacques Rousseau, and nowadays in street theatre, the audience became participants. They participate in the event, and therefore they do not have the necessary distance they would have when faced with a representation. […] In a more contemporary version, related to the use of the Internet, the theatre of participation becomes interactive theatre, with the possibility that the spectator can respond by email, commenting on the progress of the performance. Participation does not always imply that the spectator is in physical interaction with others. In such cases, participation is then reduced to an individual, isolated, internal experience, one that no longer depends on a community and no longer accompanied by any sense of belonging. A cross-cultural comparison here would be illuminating: in Europe, participation is often internalized and integrated into the construction of meaning, reduced to a relational aesthetics; however, in Korea, audience participation often takes the form of an address of the actors to the audience, an improvisation with them, a good-natured exchange, reviving the old village performances. This is a matter of conventions, but also of cultural habits, involving the ability to speak out in public and the distinction between private and public spheres. »

Patrice Pavis, The Routledge Dictionary of Performance and Contemporary Theatre, Londres : Routledge, 2016, p.156

« Le terme « participatif » fait désormais florès dans le champ des pratiques théâtrales et interartistiques immédiatement contemporaines. Il qualifie des créations qui engendrent des reconfigurations singulières du rapport scène-salle et entraînent de nouvelles dynamiques relationnelles. Bien qu’elles puissent s’en inspirer, ces productions diffèrent des formes performatives précédemment évoquées, en premier lieu parce que l’individualisation des spectateurs prend le pas sur le collectif. »

Anyssa Kapelus, « De la « participation » au « participatif ». Evolution de la place du spectateur », Jeu. Revue de Théâtre, 147, 2013, p.61

« D’un point de vue politique, la participation est devenue un enjeu démocratique en ce qu’elle permet l’expression citoyenne. L’impératif participatif, comme « nouvelle grammaire de l’action publique » (Blondiaux et Sintomer, 2002), s’est imposé peu à peu aux responsables politiques afin de réduire le fossé entre gouvernants et gouvernés et tendre vers une plus grande efficacité dans la production et la gestion de l’action publique pour faire la preuve de sa légitimité. La participation des habitants, communément associée en France à la politique de la ville (notamment concernant l’aménagement du territoire et l’environnement), est promue dès le début des années 1980 (ibid., 2002). La consultation du citoyen est convoquée à travers de nombreux outils de gouvernance dont se sont aussi dotées les politiques publiques de la culture comme les assises, les états généraux, les comités de suivi, les conférences consultatives, etc. Ceux-ci se veulent des lieux d’échange avec le citoyen, dans une démarche ascendante, pragmatique et de proximité afin de construire des solutions convergentes et de produire du consensus. D’un point de vue culturel, la participation des citoyens prend une forme esthétique. À travers le développement de projets artistiques et culturels de territoire, on observe des modalités différentes de rencontre entre les habitants, les artistes et les acteurs du territoire mais, aussi, de nouveaux rapports entre l’art et la question sociale (Bordeaux et Liot, 2012) ».

Chloé Langeard, « Les projets artistiques et culturels de territoire. Sens et enjeux d’un nouvel instrument d’action publique », Informations sociales, 190, 4, 2015, pp.64-72, [en ligne] : https://doi.org/10.3917/inso.190.0064  (12/07/2021)

« La participation, c’est celle du spectateur, lequel, en prenant part à l’élaboration de l’événement scénique ou social, quitte justement son statut de spectateur soi-disant passif. Avec le théâtre politique ou le happening des années 1960, la participation est assimilée à une intervention politique. […] Dans une vision plus contemporaine, liée à l’usage d’Internet, le théâtre de participation devient théâtre interactif, avec la possibilité pour le spectateur d’intervenir par mail en commentant le déroulement du spectacle. La participation n’implique pas toujours que le spectateur soit en interaction physique avec les autres. Elle se réduit alors à une expérience individuelle, isolée, intérieure, qui ne dépend plus d’une communauté et ne s’accompagne plus alors d’un sentiment d’appartenance. »

Patrice Pavis, Dictionnaire de la performance, Paris : Armand Colin, 2014, pp.169-178

Études théâtrales
Séverine Ruset, Univ. Grenoble Alpes, CNRS, Litt&Arts, 38000 Grenoble, France

Enseignante-chercheuse en arts de la scène, je travaille sur la création scénique contemporaine en France et en Angleterre. J’articule dans mes travaux l’étude des œuvres à celle de leurs contextes de production, avec une attention marquée pour les modes d’organisation interne qui sous-tendent leur création.

Mon intérêt pour les enjeux liés tant au rapport de la scène au réel qu’aux formes de structuration du collectif qui s’y déploient, m’a récemment conduit à me pencher sur l’essor des créations participatives à l’œuvre depuis une dizaine d’années au sein du théâtre public français. S’il n’est pas rare que les artistes qui les portent expriment l’intention de dynamiser le rapport scène/salle, ces créations ne donnent pas nécessairement lieu, loin de là, à des dispositifs visant à faire du public des acteurs de la représentation. Il convient donc de les différencier des spectacles participatifs. Ce n’est pas en effet seulement dans le présent de l’événement scénique, mais également au cours des processus de création, qu’elles sollicitent la contribution de celles et ceux qu’on désigne comme des « participants », pour les distinguer à la fois du public et des professionnels de la scène auxquels la fabrique des œuvres est habituellement réservée. Pour l’auteur et metteur en scène Mohamed El Khatib, le théâtre a longtemps été considéré comme une affaire d’experts. Un enjeu majeur de la participation serait alors de décloisonner la création en l’ouvrant, au sein des institutions publiques, à l’apport de personnes qui n’ont pas été rompues à ses conventions et qui apparaissent de ce fait comme « innocentes », pour reprendre un terme auquel le metteur en scène Didier Ruiz recourt volontiers pour les caractériser. La contribution de ces personnes se trouve généralement légitimée pour les qualités extrinsèques à la pratique scénique qui lui sont prêtées, comme c’est notoirement le cas avec le collectif berlinois Rimini Protokoll, qui valorise les non-acteurs avec lesquels il collabore régulièrement comme des « experts du quotidien ».

Les travaux que je consacre actuellement à ces démarches participatives me conduisent à dépouiller les programmations (afin de déterminer la place qu’elles occupent au sein des scènes institutionnelles), à analyser les discours que les artistes et prescripteurs du théâtre public portent sur elles et à suivre sur le terrain quelques processus de création choisis. Ils montrent que le souci d’inscrire la participation au cœur de la création relève fortement de l’idéal démocratique et des valeurs émancipatrices dont se réclame le théâtre public, mais qu’il ne garantit nullement leur effectivité. Outre le fait qu’il s’accorde parfois difficilement avec l’exigence de qualité, couplée à celle de singularité artistique, sur laquelle le théâtre public est également fondé, il subit l’influence des logiques néo-libérales, qui peuvent produire des effets diamétralement opposés à ceux originellement visés. À l’instar de la participation dans les affaires publiques, qui peut aboutir, selon les modalités de sa mise en œuvre, à un large spectre de résultats, allant de la manipulation au contrôle citoyen, la participation dans la création artistique agit très inégalement sur celles et ceux qu’elle implique, comme sur le monde du théâtre public au sein duquel elle se développe. Un des enjeux de ma recherche est de cartographier le paysage très hétérogène de la création participative, en mettant en relief le caractère déterminant de certains critères distinctifs, à commencer par le profil des participants sollicités/mobilisés, et leur niveau d’implication, de la simple figuration à la co-écriture des œuvres.

Pour citer : Séverine Ruset, « Participation », Performascope : Lexique interdisciplinaire des performances et de la recherche-création, Grenoble : Université Grenoble Alpes, 2021, [en ligne] : http://performascope.univ-grenoble-alpes.fr/fr/detail/177857

Maryse Bresson, « La participation : un concept constamment réinventé », Socio-logos, 9, 2014, [En ligne] : http://journals.openedition.org/socio-logos/2817 (01/07/2021)

Mark Chou, Jean-Paul Gagnon, Lesley Pruitt, « Putting participation on stage: examining participatory theatre as an alternative site for political participation », Policy Studies, 36, 6, 2015, pp.607-622

Umut Erel, Tracey Reynolds, Erene Kaptani, « Participatory theatre for transformative social research » in Qualitative Research, 17, 3, 2017, pp.302-312, [en ligne] : https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1468794117696029# (05/05/21)

Jen Harvie, Fair Play/ Art, Performance and Neoliberalism, Basingstoke : Palgrave Macmillan, 2013

Anita Weber, « Théâtre et participation : une nouvelle donne esthétique et citoyenne », L’Observatoire, 54, 2019, pp.9-12

Joëlle Zask, Participer: essai sur les formes démocratiques de la participation, Lormont : Le Bord de l’eau, 2011